Mitsinjo, Ambalavao
Mitsinjo, Ambalavao

Après quatre ans, me voici de retour à Madagascar. Un vol de nuit au-dessus de l’Afrique et puis, dans les premières lueurs d’un jour nouveau, j’aperçois la côte nord de “l’île rouge”. L’aube éclaire des chaînes de montagnes, des vallées avec de petits miroirs de rizières et des villages encore plus petits reliés par un réseau de routes rouillées. Je suis de retour et plein d’espoir. Rien n’a changé ici, seule l’herbe brûlée par le soleil de la saison sèche que j’avais vue en 2009 a été remplacée par une végétation verdoyante. C’est maintenant la saison des pluies.

La route nationale qui part d’Antananarivo se dirige vers le sud en direction d’Ihosy. Les taxis-brousses sont toujours aussi inconfortables. Cependant, je suis heureux de constater que je n’ai pas perdu mes vieilles habitudes de voyage… après quelques kilomètres, je ne me soucie plus d’être poussé et tordu sur mon minuscule siège. Je me plonge dans les paysages magiques de l’extérieur, qui défilent les uns après les autres… et dans la vie au bord de la route. Des enfants qui courent, des piles de briques fumantes et brûlantes, des mères qui préparent un dîner sur le feu et des jeunes garçons qui traversent le paysage à toute allure avec un troupeau de zébus à cornes. Avec la fenêtre légèrement ouverte, je suis exposé à la brise du soir, qui apporte avec elle de nombreuses odeurs différentes … l’odeur profonde de la fumée du charbon de bois sur lequel quelqu’un fait cuire son dîner au bord de la route, l’odeur âcre de la fumée des piles de briques … l’odeur de l’huile de coco dans les cheveux d’une jeune mère malgache assise devant moi avec son petit enfant … l’odeur de notre sueur qui nous dit que la journée a été chaude et que nous avons tous parcouru un long chemin … l’odeur de la terre rouge de Madagascar qui pénètre à travers les vêtements jusqu’à la peau et parfois même, pour certains, à travers la peau jusqu’au cœur.

Rien, ou presque, n’a changé ici. Je mange toujours du riz comme repas du matin, du midi et du soir. Mais cette fois, il est agrémenté de quelques sauterelles frites. Ici, dans le sud, elles détruisent les récoltes, il n’est donc que juste de prendre une petite revanche sur elles. Avec l’eau de riz, le toaka gasy fait parfois son apparition, distillé à la maison ou par un voisin. Il est clair ou jaunâtre, dans des verres ou des tasses en fer-blanc, mais toujours très fort. Et avant de le boire, on en répand toujours un peu vers l’est, en souvenir de la génération précédente de la famille, les ancêtres, qui apparemment habitent à l’est.

Je me suis promené dans des villages reculés, autour de rizières, dans la savane infinie du sud de Madagascar, j’ai assisté à des combats de coqs… et je regrette encore aujourd’hui de ne pas avoir parié, car j’aurais gagné. J’ai appris que le meilleur café du matin est celui que l’on torréfie soi-même dans un vieux bol en terre cuite et que l’on moud dans un mortier en bois… et j’ai appris à faire tout cela avec application, bien qu’ici en Europe, on ne rencontre que rarement des grains verts de délicieux café malgache et des mortiers de riz africains.

Plus important encore, j’étais là pour partager la vie des gens… une vie qui est souvent dure et difficile, mais qui est en même temps florissante et vibrante. J’espère y retourner un jour, non pas pour les montagnes et la savane, qui sont incontestablement magnifiques, mais pour les gens. Veloma finaritra, Madagasikara !