Le kava traditionnel à Vanis, Pentecôte
Le kava traditionnel à Vanis, Pentecôte

Il pleut et je suis assis chez moi en République tchèque. J’écoute le groupe Vetleng. J’ai l’impression qu’après toutes ces années passées à vivre dans le monde entier, je suis devenu un expert dans l’écoute de groupes de musique dont personne n’a jamais entendu parler. Vetleng est un groupe de musique de la jungle qui vient de Pentecost, au nord de Vanuatu. Ils jouent bien. Et ils me ramènent un demi an en arrière.

Cela fait bien sept ans que j’ai des amis sur l’île de Pentecost, au Vanuatu. Depuis que je vis à Wallis et Futuna. Et depuis, je n’ai pas pu m’y rendre. Enfin, à la fin de l’année 2015, ma chance se présente. Je quitte le sud du Vanuatu et Tanna. Un minuscule Twin Otter me fait traverser une demi-douzaine d’îles pour finalement se poser sur la piste d’atterrissage de Lonorore. Après quelques recherches, je parviens à trouver mon homonyme, Dominik, dans la famille d’une de mes amies, une sœur missionnaire. Nous sommes montés à l’arrière d’une jeep et avons parcouru une vingtaine de kilomètres le long de la côte en direction de la mission de Melsisi, puis nous avons gravi les collines escarpées qui font la renommée de Pentecôte. Le temps est sec et la route est praticable. Ce qui m’attend au bout, c’est un joli village de bambous perdu dans la jungle et les bras ouverts de Chanel et Monique, les parents de mon ami. Grâce à eux et à Dominik … pour éviter toute confusion, on m’a donné le nom local de Tabisal … Je me souviendrai longtemps de ce coin perdu du Vanuatu. Les deux semaines que j’ai prévues pour rester passent vite. Nous mangeons du taro préparé de toutes sortes de façons, d’étranges légumes locaux, et Dominik attrape pour moi une espèce locale de gecko “comestible”. De temps en temps, j’enseigne à sa sœur les bases de l’informatique… du moins jusqu’à ce que la batterie de mon ordinateur portable se décharge. Heureusement, leur voisine a installé des panneaux solaires sur sa hutte, et quand le soleil brille, nous pouvons recharger. Papa Chanel m’emmène travailler dans les champs et faire de longues promenades à travers des vallées étroites et des collines escarpées, jusqu’à des ruisseaux cristallins cachés au plus profond de la jungle et, chaque soir, jusqu’au Nakamal. C’est ici, à la Pentecôte, que le kava trouve ses véritables racines. Il est préparé et consommé d’une manière totalement différente de celle de Tanna. Dans la langue melsisi, on l’appelle “sini” et il est fort. Les anciens et les jeunes hommes du Nakamal me font découvrir la vie locale et j’aime comparer les différences et les similitudes entre la vie et la mentalité des locaux et celles des habitants de Tanna. Ils me racontent des histoires locales pleines de fantômes et de magie et, en retour, je retrouve dans ma mémoire les vieilles histoires de mon arrière-grand-mère… malgré la distance géographique, nous trouvons de nombreuses similitudes dans les deux cas. J’apprends les rudiments de la langue locale et lorsque je retourne dans ma hutte de bambou pour dormir, c’est toujours tard dans la nuit. Chaque jour est particulier, même si tout se déroule au rythme calme et régulier de la vie du village. Ce rythme est empreint d’une grande sagesse. Une sagesse que nous, les gens du “grand monde”, avons pour la plupart oubliée.